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09/05/2008

Le chef d'entreprise, le gestionnaire paie et l'ingénieur

Le chef d’entreprise est en colère. Des erreurs dans la paie lui ont été signalées par des salariés alors qu’il avait investi dans un outil de gestion de la paie et il doit ajouter  le coût du consultant qui vient rechercher les causes du mal…bref, du temps, de l’énergie et de l’argent pour rien.

Pour rien ? c’est l’objet de la discussion avec le consultant. L’emploi du gestionnaire paie est manifestement sous-dimensionné. Peu qualifiée et peu rémunérée, la personne qui gère la paie est dépassée et démotivée. Le consultant explique au chef d’entreprise que l’emploi doit être revalorisé et le profil revu. Cette préconisation n’améliore pas l’humeur du chef d’entreprise. D’où le dialogue qui suit :

« - je ne peux pas mettre plus de moyens sur un poste improductif. Je préfère augmenter mes gars sur les chantiers qui font tourner la boutique et dont je vends le travail ;

- que représente la masse salariale dans votre entreprise ?

- 60 % des charges de fonctionnement, qui se montent à quatre millions d’euros ;

- lorsque vous devez faire un devis qui dépasse 150 000 €, vous imposez que deux ingénieurs y travaillent, est-ce que vous trouvez cohérent de payer à peine plus que le SMIC quelqu’un qui gère 2,4 millions d’euros de dépenses ?

- vu comme cela, je pourrai y réfléchir, mais en gérant la paie, il ne me rapporte rien ;

- la satisfaction et la confiance des salariés sur la paie, la garantie que toutes les dépenses sont justifiées, l’absence de contentieux et de risque URSSAF, l’optimisation de la gestion des sommes exonérées socialement et fiscalement, la capacité à vous conseiller sur les moyens de distribuer le plus de revenu disponible à moindre coût, la veille réglementaire et votre tranquillité d’esprit qui vous permet de vous consacrer à votre métier …ce n’est pas rien, et si ce l’était, supprimez le poste ;

- …peut être que je vais y réfléchir ».

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Balthus - Le peintre et son modèle
 
Quelle est la part du modèle dans la production du tableau ? 

 

07/05/2008

De la meilleure manière de travailler

« Plutôt que de dresser un modèle qui serve de norme à son action, le sage chinois est porté à concentrer son attention sur le cours des choses pour en déceler la cohérence et profiter de leur évolution..bref, au lieu d’imposer son plan au monde, il s’appuie sur le potentiel de la situation »

La citation est de François Jullien, extraite du Traité de l’efficacité.

S’agit-il d’un énième conflit entre le réaliste et l’idéaliste ? entre le pragmatique et l’idéologue ? pas vraiment. Il s’agit plutôt d’une question de méthode, les objectifs pouvant être identiques. 

D’un côté, le modèle dont sont issus le Concorde, le char Leclerc ou le Rafale. Sur le papier des produits sans équivalents techniques, à l’arrivée trois bides commerciaux absolus. Au départ, l’idée que si le produit est idéal, son succès est assuré. La preuve est faite que non. Soyons juste, ce même raisonnement a également produit le TGV ou l’A380.

D’autre part, l’adaptation permanente à la demande : le modèle Benetton. Zéro stock, une flexibilité absolue de la production, des capacités de réaction rapides, le suivi de la demande au jour le jour.

 

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Zao Wou-ki - 1968 

 

Dans un autre domaine, la qualité, on pourrait également opposer la qualité issue des bureaux d’études qui fixent des processus qu’il faut impérativement respecter, héritage de Taylor et de l’approche scientifique du travail avec son « one best way », et cette autre manière de faire qui part du terrain, des boîtes à idées, des cercles qualités ou réunions d’équipes qui, par capillarité, conduisent à une progression générale par « petits pas ». Deux manières de faire que l’on pourrait peut être essayer de concilier plutôt que de les opposer. Car contrairement à ce que défend François Jullien, la Chine n'est pas notre miroir opposé que la mondialisation nous permet de découvrir : Alexandre le Grand et Marco Polo vivaient déjà à l'heure de la mondialisation et le dialogue des cultures n'a jamais vraiment cessé.

27/04/2008

Recruter avec le cadavre exquis ?

"Le cadavre exquis boira le vin nouveau" : telle est la première phrase obtenue par le jeu des petits papiers pliés auxquels s'adonnaient les surréalistes. Elle a donné son nom au jeu lui-même, et accessoirement à une chanson de Gainsbourg.

Le principe du cadavre exquis a ensuite été utilisé en dessin ou peinture avec le même principe : un premier dessinateur cache son dessin qui est complété par un second qui cache son dessin qui est complété par un troisième, etc.

 
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Man Ray, Joan Miro, Max Morise, Yves Tanguy - 1927

 Le principe du cadavre exquis est double : la beauté et la poésie doivent surgir du hasard de la création de chacun d’une part, mais le cadavre exquis doit également refléter la communauté d’esprit qui existe entre les participants. Que le dessin ou la phrase tombe à plat, et l’on peut penser que ceux-là n’ont rien à faire ensemble. Le cadavre exquis serait le révélateur de la capacité à créer en commun.

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André Breton, Valentine Hugo, Greta Knutson, Tristan Tzara - 1933

 Une autre version du cadavre exquis, qui fait également partie des jeux surréalistes, est le jeu des questions-réponses : dix questions sont posées par écrit par un des joueurs à un partenaire qui doit répondre…sans connaître les questions. Voici, par exemple, le résultat d’un jeu des questions-réponses réalisé au début des années 80. Pronostiqueriez-vous que 25 ans après les deux joueurs entretiennent toujours des relations ?

 

Qu’est-ce que la liberté individuelle ? c’est rompre le silence.

Qu’est-ce que la révolte ? c’est traverser une rue sans regarder.

Qu’est-ce que l’amour ? c’est un lit où je me repose souvent.

Qu’est-ce que la morale ? c’est une nécessité devenue une torture.

Une démarche collective est-elle préférable à une tentative individuelle ? cela dépend du geste que l’on choisit pour se gratter le visage.

Qu’est-ce que la nuit ? c’est plusieurs personnes qui parlent en même temps.

Pourquoi ne pas se tirer une balle dans la tête ? parce qu’on ne peut pas toujours lever la tête pour regarder les oiseaux.

Qu’est-ce que la préoccupation première de l’homme ? c’est une épreuve difficilement surmontable.

Qu’est-ce que la lassitude ? c’est une grande maison aérée dans laquelle je ne mettrai que des peintures affreuses.

Qu’est-ce qu’écrire ? c’est un livre que personne n’a lu.

 Le recrutement est un art difficile, qui ne va jamais sans prise de risque. Plutôt que de s’égarer dans la graphologie, numérologie, astrologie et autres vaines tentatives de sécuriser ce qui ne peut l’être, faites confiance aux jeux surréalistes : demandez aux candidats de répondre à des questions inconnues ou de prolonger des dessins cachés. Il n’est pas certain que le résultat soit moins probant.

 

18/04/2008

Cycles et performance

Il y a les cycles de la nature : le cycle des saisons,  le cycle de la lune, le cycle du soleil,…

Il y a les cycles économiques :  les cycles de Kitchin, de Juglar, de Kondratieff,…

Il y a les cycles biologiques : de la division cellulaire à l’état adulte, de la graine à la plante, de la naissance à la mort,…

 

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L.W. (non identifié), vers 1895 Imprimerie G. Massias - Musée Art et Industrie Sainte-Etienne

 

Il y a les cycles du sommeil : le sommeil léger, le sommeil profond, le sommeil paradoxal,…

Il y a  les cycles de la vie : le nourrisson, l’enfant, l’adolescent, l’adulte, l’homme mur, le troisième âge, le vieillard.

Il y a les cycles de la forme : le sportif de haut niveau connaît les cycles d’entrainement foncier, de travail intensif, d’épuisement, de récupération, d’entretien.

Il y a les cycles de l’amour : le coup de foudre, la passion, l’amour, la tendresse, l’indifférence, l’adversité, la haine (mais ce cycle-là demeure mystérieux, l’ordre n’en est jamais assuré et il se bloque parfois sur l’une des étapes).

Tout ne serait donc que cycle ? non, dieu merci il existe des salariés et pour eux les objectifs sont souvent linéaires….et ascendants.

 

 

 

16/04/2008

Le jour du corbeau blanc

La bergère rêve d'un autre monde, et s'en trouve transfigurée. Les moutons ne s'étonnent de rien et mènent leur vie de mouton, heureux de mettre un peu de couleurs vives dans le paysage aride. Les arbres apprivoisent difficilement des parasites qui s'épanouissent sous le soleil sec. Dans cette atmosphère de terre argileuse, à moins qu'il ne s'agisse de la planète mars, l'horizon est à la fois court et lointain, le soleil une fontaine d'eau pour le train de la vie. Au milieu, le corbeau blanc.

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Vergno - Le corbeau blanc - 1998
 
Le corbeau blanc est seul. Pas de bande de corbeaux, pas d'autres oiseaux. Le corbeau blanc n'a pas son alter ego, le mouton noir. Sa solitude est totale. A-t-il été rejeté par le groupe, a-t-il muté récemment sans bien comprendre la mutation, son vol est sans but, lesté par les fils à la patte.
 
On connaît le sort des individus singuliers qui ne portent pas les caractères distinctifs du groupe : le rejet ou l'adoration, la mythification ou l'exclusion. En ce sens, le corbeau blanc qui focalise les haines ou les passions joue le rôle de ciment, positif ou négatif, du groupe.
 
Mais un détail vient perturber cette lecture : le corbeau blanc n'est pas tout blanc. Son corps noir trahit sa véritable nature que ses ailes voudraient dissimuler. Comme les nègres blancs de Boris Vian ou de Philip Roth (voir La tache) qui sont rattrapés par leur origine, le corbeau blanc est un hybride.
 
Manière de rappeler que les lectures binaires du monde sont souvent sommaires. Dans une organisation, il est rare qu'il y ait de manière établie les héros et les félons, les bons et les mauvais ou encore les compétents et les incompétents. Il est plus probable que chaque corbeau noir ait ses journées, plus ou moins fréquentes, où il est corbeau blanc.